L'âne du Messie

Publié le par Pasteur Gerald FRUHINSHOLZ

Les chrétiens connaissent bien l’image de Jésus monté sur un âne, lors de la fête des Rameaux - Matt 21 :5. C’est Jésus lui-même qui avait ordonné que ses disciples mettent à sa disposition un âne, "le petit d’une ânesse". En cela, il accomplissait les Ecritures, et Matthieu faisait simplement référence à l’AT – Zacharie 9/9 : "Sois transportée d'allégresse, fille de sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, le petit d'une ânesse".  

Existe-t-il « l’âne du Messie », et pourquoi le Messie selon Zacharie doit-il monter un âne… est-ce symbolique ? Avec Moïse, il est question de « l’âne » (avec un article, non traduit dans la version Segond)… de même avec Abraham et Isaac. On le voit finalement traverser les temps bibliques – c’est un animal noble – et il aura sa gloire en étant la monture de Jésus lors des Rameaux, fête correspondant prophétiquement à Soukkot lorsque le Roi fera son entrée à Jérusalem. L’image qui en est donnée là est celle d’une entrée humble, « plein de douceur ». Ces qualités ne correspondent-elles pas aux caractéristiques de l’âne ?… En effet, Jésus est venu dans son « premier ministère » pour apporter la bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir les cœurs brisés, proclamer aux captifs la délivrance, etc. Un ministère de consolation et de grâce, selon Esaïe 61 :1-2 et Luc 4 :19, « pour publier une année de grâce ».

Le Messie d’Apo 19 :11 Lui, par contre, viendra sur un cheval blanc, incarnant la guerre et le jugement !

 

L’âne, dans la Bible

L’âne est le compagnon de l'homme depuis les temps les plus anciens. À l'échelle de l'Histoire, l'âne demeure le second animal domestiqué mis au service du transport, après le bœuf. Jusqu’au VIème siècle avant notre ère, l’âne est un animal noble, la monture des princes et des rois avant d’être supplanté par le cheval.

La fuite en Egypte de Joseph et Marie atteste une nouvelle fois la proximité bénéfique de l’âne dans l’enfance de Jésus – il sera présent dans la crèche - il est le seul animal capable d'être patient et assez sobre pour supporter une longue traversée du désert. On trouve l’âne avec Abraham et Isaac, avec Moïse et sa famille, et avec Balaam, ayant là une disposition miraculeuse de la parole, et s’opposant à son maître face à l’Ange de l’Eternel. L’âne traverse la Bible, et il est présent à toutes les étapes du salut, montrant là une permanence de l’œuvre divine.

 

L’âne, matrice et tente protectrice

Le corps de l'âne est un espace refuge dans l'imaginaire des Kel-Tamasheq, celui des nomades touaregs. Dans la vie de ces gens de la langue touarègue, la nécessité de trouver un espace protecteur est fondamentale pour se prémunir de l'hostilité de l'espace environnant. Si la « tente » est l'abri essentiel, d'autres refuges sont possibles comme en témoigne la terminologie utilisée pour les désigner : ǎbatul et ebǎwel selon les parlers. Ainsi, dans deux contes touaregs, le corps de l'âne ajaḍ, animal à la mauvaise réputation dans la tradition, devient un abri pour cacher une jeune fille en quête d'un espace bienfaiteur. Le corps de l'âne est donc là un abri temporaire. Les notions de protection et de refuge sont associées au côté féminin et, particulièrement maternel. Le ventre tesa de l'ânesse est comme une matrice protectrice qui renvoie à la féminité et à la fécondité. (http://africanistes.revues.org/2586)

 

L’âne et la matière, dans la pensée juive

Le mot en hébreu pour âne est ‘hamor - חמור ou  חמר. Cette racine hébraïque nous parle également de la matière  avec le terme ‘Homer. Les commentaires juifs ‘hassidiques ont vu là l’importance de ce symbolisme, en rapport à la Délivrance finale, au travers de Abraham, Moïse et le Messie. Lors de l’épisode de Moïse transportant sa famille, il est question de « l’âne », comme si cet animal était déjà connu (dans Segond, il est question « des ânes », au pluriel). Cet âne, nous le voyons avec Abraham et Isaac[1], et finalement avec le Messie, comme l’écrit Zach 9 :9. Le Mashia’h montant l’âne (‘hamor) est interprété comme étant le spirituel dominant la matière (‘homer). Ni Abraham ni Moïse n’avait chevauché l’âne, seul le Messie pouvait le faire, et c’était le signe de la Délivrance/Rédemption, le Messie étant Celui qui relie la matérialité et la spiritualité, faisant descendre le ciel sur la terre…

En tant que chrétiens, nous ne pouvons que nous associer à cette pensée, qui permet de comprendre au travers de l’incarnation, que le Messie « Fils de Dieu », est le lien par excellence entre le ciel et la terre, en vue du Royaume messianique sur terre – Il accomplira la parole du notre Père : « Que ton règne vienne, sur la terre comme au ciel », établissant un Règne de justice et de paix pour « mille ans », sur la terre.

 

Il attache à la vigne son âne

« Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Schilo, et que les peuples lui obéissent. Il attache à la vigne son âne, et au meilleur cep le petit de son ânesse » - Gen 49 :11. Il est intéressant de noter dans cette prophétie qui se rapporte au Messie/le Schilo, l’allusion à la fois à l’âne, à l’ânon et à l’ânesse - en hébreu ‘hamor, ‘ayir et ‘athon (fort, solide, permanent). N’oublions pas que Jésus a demandé qu’on lui réserve un ânon[2], le petit d’une ânesse (Matt 21 :5, et Jn 12 :15). L’ânon est un âne qui n’a jamais été monté. Avec le Schilo, nous voyons ainsi que l’âne est encore lié au Rédempteur, issu de Juda.

 

Hypothèse : Israël, l’âne de Dieu

L’âne est le seul animal impur à avoir été racheté par un agneau – Ex 13 :13, et 34 :20 : « Tu rachèteras avec un agneau tout premier-né de l’âne ; et, si tu ne le rachètes pas, tu lui briseras la nuque ». Dans la pensée juive, l’âne représente le bien-être d’une maison, et sa richesse. Et celui qui ne consacre pas cette « richesse » ne peut pas en profiter, il « se brise la nuque ». Israël se doit d’être au service de Dieu, de la tâche que Dieu lui a assignée : « Car tu es un peuple saint pour l’Eternel, ton Dieu ; l’Eternel, ton Dieu, t’a choisi, pour que tu sois un peuple qui lui appartienne entre tous les peuples… ». S’il tombe dans l’idolâtrie, Israël devient ce peuple « à la nuque raide » - ‘am-qashé-‘oref. Le même principe s’applique au chrétien : il se doit de se mettre au service de Dieu, en tant que racheté de la mort spirituelle - « mort et vivant en Christ » (Héb 10 :19). Sa vie n’a de sens que dans la soumission au Maître et dans le service divin.

La qualité de l’âne est la patience, l’humilité et le service. Il est d’autre part soumis à son maître, c’est un animal de bât. Cependant, l’âne a une mauvaise réputation, étant têtu et revêche, et il est souvent maltraité et traité en bouc émissaire, tel Israël que le monde rejette.

Il n’empêche, c’est sur un âne que le Seigneur est entré à Jérusalem, accomplissant la parole de Zacharie. Le Seigneur de gloire a tenu à monter sur un âne en tant que Roi, lui redonnant la noblesse et la gloire que cet animal mérite. Le peuple juif a été errant durant 2000 ans au sein des nations, s’est rendu corvéable à merci, a été méprisé, et il est actuellement raillé de tous. Mais Israël est indispensable à tous, comme l’âne aux temps immémoriaux. Le monde a besoin d’Israël comme jamais, pour son inventivité, sa technologie, ses dons, son excellence, son énergie, sa foi.

Curieusement, le monde arabe, Ishmaël, est aussi symbolisé par un âne, mais un âne sauvage, en hébreu pere’ : « Il sera comme un âne sauvage (onagre) ; il s’opposera à tous, et tous s’opposeront à lui… » - Gen 16 :12. Son origine est mélangé : Ishmaël est avant tout chamite (Cham) de par sa mère égyptienne Agar, et sémite par son père Abraham. Cet « âne sauvage » est en fait relié à l’islam, qui cherchera au travers le Djihad à « s’opposer » au monde entier… et aujourd’hui, le monde s’oppose à lui.

D’Abraham, cependant, Ishmaël possède l’aspiration à la perfection humaine. Dieu seul pourra dompter Ishmaël l’Egyptien, et le peuple arabe en général. Esaïe 19 en est la preuve : « Il les frappera, mais il les guérira ; et ils se tourneront vers l’Eternel, qui leur sera favorable, et Il les guérira » (22).

GF – le 25 déc 2013


[1] D’une manière singulière, ni l’âne ni Isaac ne sont mentionnés dans le retour à Beer-sheva (Gen 22 :3 et 19). Les commentateurs juifs disent alors que Isaac et parti avec l’âne étudier la torah.

[2] Le mot hébreu pour ânon est ‘ayir, mais pouvant se prononcer : ‘ir. Cela laisse les commentateurs voir une allusion à Jérusalem, le lisant ainsi : « Il attache à la vigne (Israël) sa ville » (‘iro). L’ânon fait là référence à Jérusalem. 

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