Esaïe 52 - Le Mashia'h révélé
« Il ne disparaîtra pas de la Torah un seul youd… » -
Mat.5 :18
Y a-t-il eu traduction erronée... avec la perte d’un youd ? Voyons avec ce texte d’Esaïe 52 :13-15 :
Un passage contesté : Esaïe 52 :13 à 53 :12
Il n’y a dans cette étude
[1]
aucun motif de polémique. Il est vrai, le passage d’Esaïe 5213-5312 pose question. Dans le
judaïsme, aucune parasha n’inclut ce texte. Les choses ne sont en fait pas si simples. Si Esaïe 53 dépeint d’une manière saisissante le Fils de l’homme mort sur le bois pour les péchés
du monde dans la pensée chrétienne, Israël en tant que nation représente aussi le Serviteur Souffrant. Israël est la nation-témoin par excellence, le peuple juif est
« théophore » - porteur de Dieu. Israël est en quelque sorte le miroir de l’humanité. Au travers du peuple juif, ayant vécu tant de persécutions, de pogroms et particulièrement au
travers de la Shoah, le genre humain peut constater la noirceur de son cœur, son péché, et comprendre que sans D.ieu, le Dieu d’Israël, il n’y a pas de salut possible…
Cette étude n’a donc pas pour but de répondre à des questions théologiques, mais découle plutôt d’une recherche sincère pour une plus grande révélation… Laissons-nous interpeller par elle. Le passage qui nous occupe est celui d’Esaïe 52 :13-15, en bleu ci-dessous.
10 L’Éternel découvre le bras de sa sainteté aux yeux de toutes les nations ; Et toutes les extrémités de la terre verront le salut de notre Dieu.
11 Partez, partez, sortez de là ! Ne touchez rien d’impur ! Sortez du milieu d’elle ! Purifiez–vous, vous qui portez les vases de l’Éternel !
12 Ne sortez pas avec précipitation, ne partez pas en fuyant ; Car l’Éternel va devant vous, et le Dieu d’Israël sera ton arrière-garde.
13 Voici, mon serviteur prospérera ; Il montera, il s’élèvera, il s’élèvera bien haut.
14 De même qu’il a été pour plusieurs un sujet d’effroi – Tant son visage était défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l’homme –
15 De même il sera pour beaucoup de peuples un sujet de joie ; Devant lui des rois fermeront la bouche ; Car ils verront ce qui ne leur avait point été raconté, ils apprendront ce qu’ils n’avaient point entendu.
Esaïe 53 :1 Qui a cru à ce qui nous était annoncé ? A qui le bras de l’Éternel s’est-il révélé ?
2 Il s’est élevé devant lui comme un rejeton, Comme une racine qui sort d’une terre assoiffée ; Il n’avait ni apparence, ni éclat pour que nous le regardions, et son aspect n’avait rien pour nous attirer.
Un mot étrange : mich’hat
Ce passage d’Esaïe est un texte qui prête à confusion, à cause d’un mot étrange définissant le serviteur : mich’hat = mutilé,
défiguré. D’où la traduction : « ainsi est-il défiguré… ». Le mot n’existe qu’une fois ailleurs : « Vous n’accepterez de l’étranger aucune de ces victimes,
pour l’offrir comme aliment de votre Dieu ; car elles sont mutilées, elles ont des défauts, elles ne seraient point agréées » - Lév.22:25. Cela concerne des
victimes qui ne sont pas conformes pour le sacrifice. Elles ont un défaut. Si l’on se place du point de vue du Serviteur souffrant en la personne du Messie Yechoua’, il paraît difficile de croire
que l’agneau immolé à la Croix était non agréé par D.ieu et souffrait de défauts ou malformations.
Version 1 (traditionnelle) : Esaïe donne une description
du serviteur. Nous voyons que Esaïe 49 à 57 décrit les « souffrances du Serviteur de l’Eternel », à la fois nation et Messie/homme. Celui-ci, dans notre passage, serait d’abord élevé très haut
(v.13), puis il est question de lui comme étant DEFIGURE (mich’hat – txvm), et Il serait un sujet d’effroi pour beaucoup. Son visage ne serait même pas reconnaissable. Le fait qu’il s’agisse d’un homme semble acquis en tous cas, mais
il aurait été battu jusqu’à ce qu’il ne soit plus semblable à un visage d’homme.
Un verset plus loin, le serviteur va « faire l’aspersion » sur des nations nombreuses. Il sera un sujet de joie extrême. Des rois seront incapables de parler. Stupéfaits, ils
ont la bouche fermée. Faire l’aspersion vient de nazah - Lév.5:9 « Il fera sur un côté de l’autel l’aspersion du sang de la
victime expiatoire, et le reste du sang sera répandu au pied de l’autel : c’est un sacrifice d’expiation ». C’est le fait du Souverain Sacrificateur. Dans ce passage donc, le
Messie nous est révélé en tant que Roi et Sacrificateur. Cela rejoint le Psaume 2 lorsque D.ieu dit : « C’est moi qui ai oint mon roi sur Sion, ma montagne
sainte ».
Auparavant, dans Es.52 :10, le prophète avait décrit la Sainteté de l’Eternel : toutes les extrémités de la terre verront « le salut de notre D.ieu ». Ce salut semble
désigner le Messie, puisqu’ils LE VERRONT. Et il y a aussi l’expression « le bras de Sa sainteté » – le Messie est Son bras droit (cp Ps.110), appelé
aussi « le Saint d’Israël » : « Notre rédempteur, c’est Celui qui s’appelle l’Eternel des armées, c’est le Saint d‘Israël » - Es.47 :4, et 54 :5. En
Es.53 :1, on retrouve « le bras de l’Eternel » - zroa’ Adonaï. Beaucoup auront du mal à croire en Lui : « Qui a cru à ce qui nous était
annoncé ?... » - Es.53 :1.
Version 2 (notre hypothèse) : si l’on suppose que le mot « défiguré » veut plutôt dire « j’ai oint », en ajoutant alors simplement un
youd (ytxvm macha’hti),
les choses paraissent plus logique. Ce passage nous donne un aperçu bref et superbe de la venue glorieuse du Mashia’h, destiné à faire l’expiation sur les nations, après que D.ieu l’ait
oint.
Ken mecha’hti txsm-Nk = « Oui, Je l’ai oint… ». Le mot oindre est plus plausible dans le contexte ! Exemple : « Je t‘ai oint pour
roi… » – 2 Sam.12 :7.
De toute façon, dans la version 1, il reste un problème qui est le mot aleykha Kyle, au verset 14. Il signifie « à ton sujet », et ne colle pas
à la version dite traditionnelle. La phrase est déjà intraduisible avec le mot txsm défiguré. Avec aleykha, cela a encore moins de sens. Selon notre hypothèse, en partant du principe que le prophète s’adresse à Israël, cela
donne : « … Beaucoup seront étonnés par rapport A TOI ISRAËL qui a été dévastée » - c’est le mot shamem. « Je les ai
dispersés parmi toutes les nations qu’ils ne connaissaient pas ; le pays a été dévasté (shamem)… d’un pays de délices ils ont fait un désert » - Zach.7 :14.
L’Antichrist est aussi appelé Shamem – le Dévastateur (voir Dan.12 :11).
On peut relier Es.52 :11-12 qui est une mise en garde sérieuse de D.ieu ainsi que l’assurance de Sa protection. Ainsi peut-on voir (dans cette hypothèse de travail) un magnifique contraste
entre la dévastation d’Israël et l’onction du Mashia’h devant restaurer Son peuple et la nation. Cela nous aide alors à comprendre Esaïe 54 qui suit la description du Serviteur
souffrant ayant fait l’expiation pour tous les hommes (Es.53 :11), apportant le salut pour Israël et pour toute l’humanité.
Lisons le début d’Esaïe 54, qui parle d’Israël comme une épouse réhabilitée : « Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantes plus ! Fais éclater ton allégresse et ta joie, toi qui
n’as plus de douleurs !... Ne crains pas, car tu ne seras point confondue ; Ne rougis pas, car tu ne seras pas déshonorée »
Voilà donc le texte « modifié » avec l’apport du youd :
13 – Voici que mon serviteur sera intelligent ; il se lèvera, grandira et sera prodigieusement exalté.
14 – De même que beaucoup ont été étonnés de stupeur à ton sujet (Israël), ainsi Je l’ai oint (mecha’hti)
plus qu’un homme quand à son apparence, et sa forme dépassait celle des fils d’Adam.
15 – Ainsi il aspergera (Yazeh) des nations
nombreuses ; devant lui, des rois fermeront la bouche, car ce qui ne leur avait pas été raconté, ils le verront ; ce qu’ils n’avaient point entendu, ils le
comprendront.
En conclusion : Cette hypothèse de travail concernant Esaïe
52 :13-15 ne reste qu’une hypothèse… Il nous semblait juste intéressant de la mentionner. En Matthieu 5 :18, Jésus précisait: « … Je vous le dis en vérité, tant que le ciel et
la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre. ». Le iota est en grec la plus petite
lettre de l’alphabet, et il équivaut au youd hébreu. Sachons au demeurant que les Evangiles ont probablement été pensé et écrit en hébreu puis traduit en grec.
Un youd se serait-il alors malencontreusement perdu, altérant ou rendant peu compréhensible ce texte si fort à propos du Messie d’Esaïe 52 ? On ne le saura peut-être jamais, peu
importe. Cela nous montre en tous cas que la perte ou l’ajout d’un seul « trait de lettre » ou youd peut gravement modifier un texte.
Les Massorètes
Cela nous montre aussi le travail
extraordinaire de précision des « Massorètes », de ceux qui ont pris soin des Ecritures pour nous les transmettre. En hébreu, « tradition » se dit masorah. Vers le
VIe siècle de notre ère, les dépositaires de la tradition consistant à copier fidèlement les Écritures hébraïques ont fini par être connus sous le nom de massorètes. On appelle textes
massorétiques les copies qu’ils ont réalisées.
Les Massorètes étaient extrêmement appliqués. Ils élaborèrent divers systèmes de vérification. Dans leur souci de ne rien oublier du texte biblique, ils comptèrent non seulement les mots, mais aussi les lettres. Pour avoir une idée du travail que cela représentait, sachons qu’ils recensèrent 815 140 caractères dans les Écritures hébraïques.
L’hébreu avait cessé d’être une langue nationale et vivante. Beaucoup de Juifs ne le parlaient plus. Des groupes de massorètes à Babylone et en Israël ajoutèrent alors des signes aux consonnes
pour indiquer l’accentuation correcte et la bonne vocalisation. Ils mirent aussi en place un système complexe de signes servant à la fois de ponctuation et de guide phonétique. Au moins trois
systèmes furent élaborés, mais la primauté revint à celui des massorètes de Tibériade, près de la mer de Galilée, patrie des Ben Asher. La famille Ben Asher compta 5 générations
de massorètes, à compter d’Asher l’Ancien jusqu’au 8e siècle.
[1] Cette découverte ne m’est pas imputable. D’autres chrétiens avaient creusé cette idée du « youd manquant ».