Tamar, Juda et Perets

Publié le par Pasteur Gerald FRUHINSHOLZ


tamar1Le chapitre 38 de Genèse est étonnant, car il interfère dans l’histoire passionnante et dramatique de Joseph, nous parlant d’une autre lignée - la lignée royale. Genèse 38 : allant visiter son ami ‘Hira d’Adullam, Juda est à la recherche d’une épouse… Alors que tout semble noir, et que les fils de Jacob se soient enfoncés dans le mensonge, englués dans la sordide vente de Joseph, mettant au comble le désespoir de leur père, le Seigneur ouvre une nouvelle porte… Il va utiliser une femme, Tamar.

Tamar par sa détermination, ressemble à Rebecca ou à Ruth. Comme Rébecca, Tamar est passionnée, violente même, n’hésitant pas à utiliser la ruse pour arriver à ses fins. Comme Ruth avec Bo’az, Tamar est présente pour accomplir la destinée divine, et donner à Juda l’héritier de la lignée royale. Celle-ci est décrite en Ruth 4 :18-22 : « Voici la postérité de Pérets… Salmon engendra Bo’az… Isaïe engendra David ». Certainement, Tamar avait gagné une réputation ; c’était dix générations en arrière. Le peuple bénissait Bo’az : « Par le fils que Tamar a donné à Juda, l’Eternel t’accorde, par cette jeune femme, une descendance aussi nombreuse que celle de Pérets ». Matthieu (1 :3) dans son évangile, a repris l’idée que Tamar n’est pas dissociable de Juda. De même aussi a-t-il associé Rahab à Salmon, père de Bo’az, et enfin Ruth à Bo’az – des femmes d’exception.

 

Juda épouse la fille d’un Cananéen nommé Schua

Alors que nous sommes captivés par l’histoire de Joseph, jeté dans une fosse et vendu par ses frères, et devant devenir le chef de l’Egypte mais également le « bekhor » - le premier-né de la famille selon la volonté de Jacob (1 Chron 5), il semble que le Seigneur nous interpelle au travers de cette digression de Juda. C’est l’histoire de ce frère ayant conseillé de vendre Joseph, plutôt que de le tuer. C’est Juda aussi qui sera l’intermédiaire et l’avocat entre Jacob et Joseph, sur « l’affaire » Benjamin que Joseph voulait mettre en prison et faire de lui son esclave (Gen 44 :18). On voit là le trait de caractère de Juda : princier – c’est celui qui intercède et qui défend. Malgré ses erreurs, que nous allons découvrir, Juda est prédestiné à être le départ de la lignée royale, selon la prophétie de Jacob (49 :10) : « Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Schilo et que les peuples lui obéissent ». De Juda est issue la lignée messianique qui aboutira au Messie, fils de David.

Selon le texte, Juda se sépara de ses frères et se retira chez un ami, ‘Hira (1) (= race noble). On a le sentiment que toute cette histoire concernant Joseph, a atteint Juda dans sa conscience. La tradition juive va plus loin : ses frères l’accusent d’avoir vendu Joseph, et font porter sur lui la responsabilité du « crime » - cette situation sera également vis-à-vis de Jacob leur père, un vrai traumatisme. Juda veut alors tourner la page, et il va se marier avec une Cananénne - ce qui est en soi une faute grave– et il aura 3 garçons : Er, Onan, et Schéla. La lignée messianique semble aller à l’échec ! Mais c’est compter sans la miséricorde de Dieu.

Son premier-né Er devenu adulte, Juda veut le marier avec une femme nommée Tamar. Dans la tradition juive, Tamar est la petite-fille de Chem, fils de Noé ! On ne connait pas le nom de l’épouse de Juda si ce n’est « fille de Shua », mais on connait par contre le nom de Tamar, qui va jouer un grand rôle.

Dieu fit mourir Er, car « il était méchant aux yeux de l’Eternel » ! Alors, Juda demanda à Onan, son second, de donner une descendance à son frère, auprès de Tamar. Cela se faisait, et Moïse en fera une loi, afin que le nom du défunt ne soit pas perdu. Mais Onan, égoïste et méchant également, refuse de suivre les directives paternelles, méprisant Tamar en « se souillant à terre »…  et Dieu le fait mourir. Il reste Schéla. Mais Juda craint pour son troisième fils – voyait-il la main de Dieu ?... De toute façon, Schéla est encore trop jeune, et Juda conseille à Tamar d’attendre quelques années, avant de l’épouser. On verra en fait que Juda refusera Schéla à Tamar (38 :26).

 

Tamar joue son va-tout !tamar2

Combien constatons-nous la véracité de la Bible, en voyant un tel scénario. Qui pourrait l’imaginer ? De même, peut-on réaliser combien le Seigneur nous aime, comme il aime Juda, en l’amenant dans une situation telle qu’il sera confronté à son propre péché, pour finalement le conduire dans une vraie repentance. On peut comparer ce scénario à l’histoire compliquée de David avec Batshéva donnant vie à Salomon : au travers du péché, le grand roi d’Israël verra le jour – « Dieu fait concourir toutes choses pour l’accomplissement de Ses desseins… » (Rom 8 :28).

On informe Tamar de l’arrivée imminente de Juda, qui vient de perdre sa femme. Tamar a concocté un plan, elle attend son heure. Tamar savait-elle que Juda serait sensible à la vue d’une prostituée ?... Sans doute. Déguisée, Tamar se laisse approcher et couche avec Juda. Une seule fois suffira, Tamar est enceinte. Désormais, le nom de Tamar sera associé au nom de Juda ! Là où Tamar fait preuve d’intelligence et de finesse est la caution qu’elle réclame de Juda, pour le prix d’un chevreau – trois pièces à conviction de choix : le sceau (ou l'anneau), son cordon et le bâton (2), constituant les insignes de Juda, son identité. Quelle légèreté et inconscience de la part de Juda de laisser dans les mains d’une « inconnue » son passeport et sa carte d’identité ! Spirituellement, ces objets représentent davantage : le sceau et le sceptre royal. Combien devons-nous être conscients de savoir que notre identité en Dieu est précieuse, et que nous ne pouvons nous compromettre en quoi que ce soit. Notre dignité est celle de Dieu Lui-même, que nous ne pouvons entacher par des alliances légères ou dans des situations douteuses.

 

Le jugement : qu’elle soit brûlée !

Trois mois après, on vient avertir Juda que Tamar est enceinte. On l’accuse même de s’être prostituée. Dieu veut qu’il y ait un jugement public… pour dévoiler le péché de Juda. En effet, aux yeux des hommes, Tamar est coupable de mort, et Juda lui-même réclame qu’elle soit brûlée ! Quel terrible jugement pour celui qui a vendu son frère aux Ismaélites.

Près de deux mille ans après, Jésus confrontera des pharisiens qui de la même façon condamnent une prostituée. Il leur répondra tranquillement : « Que celui d’entre vous vous qui s’estime sans péché jette la pierre contre elle ! »… et ceux-ci partiront, accusés par leur propre conscience.

Tamar est jugée devant un tribunal. Dans la tradition juive, Chem lui-même se trouve présent ; la sentence sera d’autant plus dure. Pourtant Tamar révèle un cœur plein de tact, elle ne veut pas humilier publiquement Juda ; de manière discrète, elle dévoile à son beau-père ce qu’elle détient, son cachet et son bâton. Juda comprend alors qu’il est le vrai coupable. Grâce à cela, par le fait que Juda a la force morale d’avouer ses péchés publiquement, il sera jugé digne de représenter la lignée royale du Messie ! On dit que le nom Yehouda prend tout son sens dans cette affaire, signifiant remercier, mais aussi avouer.

 

Porets, le Messie, faiseur de brèche

Comme souvent avec Dieu, le deuxième passe le premier. C’est le cas entre Ismaël et Isaac, Esaü et Jacob, et entre Manassé et Ephraïm. Dans cette naissance de jumeaux, nous voyons Zara’h le premier des deux, sortir la main ; la sage-femme lui met tout de suite un cordon rouge pour signifier qu’il est le premier-né. Mais surprise ! Perets sort le premier – son nom signifie « brèche, ouverture ». Il a créé la surprise, il a fait la brèche.

Comme le souligne le livre de Ruth, Perets est le chef de la grande lignée royale qui mènera au Messie : « Voici la postérité de Pérets… ». « Quelle brèche tu as faite ! » - ma paratsta ! Nous retrouvons ce verbe en Gen 28 :14, à propos de Jacob : « Jacob… tu t’étendras (paratsta) à l’occident et à l’orient, au septentrion et au midi ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité ».

Celui qui fait la brèche (haPORETS) - le prophète Michée parle du Messie en ces termes – Il est le Porets : « Celui qui fera la brèche montera devant eux ; Ils feront la brèche, franchiront la porte et en sortiront ; Leur roi marchera devant eux, et l’Eternel sera à leur tête ». Le Messie préparera le chemin ; Il enlèvera tout ce qui pourrait faire obstacle à la Délivrance, à la rédemption de Son peuple.

 

Zara’h et Perets

Zara’h signifie « briller, lumière jaillissante ». Dans la pensée juive, Zara’h parle du soleil au zénith, tandis que Perets parle de la lune, qui tantôt est là, tantôt disparaît. « L’histoire d’Israël se compare, dans sa grandeur et sa décadence, à la montée et la décroissance de la lune, et Pérets, l’ancêtre des rois de la lignée de David, incarne en sa personne, cette voie inconstante de la lune dans sa course autour du soleil » (commentaire « la Voix de la Torah »).

Or, prophétiquement et selon Esaïe 30 :26, « la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil »

D’une certaine manière, on peut comparer la lune à Israël, tandis que l’Eglise est personnifiée par le soleil, Christ étant ce soleil. Durant les deux mille de l’Histoire humaine, tandis que le Christianisme rayonnait, le monde juif traversait les siècles, apparaissant et disparaissant, selon les avanies de l’histoire et les persécutions des hommes. Mais à la fin des temps, Israël sera replacé à sa juste place et honoré – la lumière de la lune sera semblable à celle du soleil, Dieu faisant des deux peuples, un seul.

GF



(1) On dit que ‘Hira est l’aïeul de Hiram, roi de Tyr, qui sera l’ami de David (1Rois 5 :1), et qui contribuera à l’édification du Temple. Ainsi, Juda guidé par la Providence, ouvrait la porte aux destinées de son peuple, tout comme les Patriarches l’avaient fait avant lui.

(2) Un homme important du Proche-Orient antique signait ses contrats avec le sceau cylindrique qu’il portait à un cordon autour du cou. Le fait qu’elle demanda le bâton suggère que cet objet aussi portait des signes distinctifs permettant de reconnaître son propriétaire (cf Ge 38:25 « reconnais, je te prie, à qui sont … »). La coutume d’utiliser trois pièces d’identité est attestée dans la littérature ougaritique (cananéenne).


Publié dans Enseignement

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